1. PRÉLIMINAIRE À UNE INSTALLATION DE NEIGE DE CULTURE
1.1. - INTÉRÊT DE LA FABRICATION DE LA NEIGE DE CULTURE
Depuis deux décennies, le tourisme hivernal s'est affirmé comme une composante essentielle de l'économie des zones de montagne, en apportant aux populations des massifs français d'importantes possibilités de développement.
D'abord localisées dans les secteurs de haute altitude, les stations de sports d'hiver ont eu tendance à se multiplier à des altitudes plus basses bénéficiant d'un enneigement naturel moindre.
Les retombées économiques directes ou indirectes de l'activité ski proposée par les stations de montagne n'étant plus à démontrer, il est impérieux pour chacune d'elles de faire fonctionner de façon optimale le parc des remontées mécaniques. Le facteur essentiel limitant le bon déroulement de l'activité ski sur la saison hivernale se trouve être, bien entendu, l'enneigement du domaine skiable.
La sensibilité de l'économie des sports d'hiver aux aléas d'enneigement s'est révélée de façon cruciale depuis 1987/88 et plus particulièrement pendant l'hiver 88/89, où le manque persistant de neige a fortement perturbé l'équilibre de nombre de stations.
A partir de ce constat, il est indispensable de faire le point sur les possibilités offertes par la neige de culture, en insistant sur ses avantages mais également sur les conditions nécessaires pour garantir un bon fonctionnement de l'installation ainsi que sur les limites de ce qu'on peut raisonnablement attendre de tels systèmes.
Les possibilités offertes par la production de neige de culture sont :
-
limiter les aléas d'enneigement lors de saisons déficitaires,
-
améliorer l'enneigement de début de saison, afin de démarrer la saison à date fixe programmable et de fonctionner jusqu'à fin mars - début avril,
-
limiter le handicap d'enneigement des stations de moyenne montagne,
-
améliorer la qualité de l'enneigement du domaine skiable,
-
maintenir une couverture neigeuse dans les secteurs défavorables (exposition, topographie, usure par surfréquentation ...),
-
assurer le retour skis aux pieds à la station,
-
garantir l'organisation des manifestations sportives,
-
allonger la saison au-delà des limites imposées par l'enneigement naturel et dans le respect du calendrier hivernal habituel, en permettant à la fois un abaissement relatif des charges fixes et un démarrage et un arrêt progressifs de cet ensemble complexe que représente une station de sports d'hiver.
Est également avancé l'intérêt commercial de la fabrication de la neige de culture auprès des professionnels du tourisme et d'une clientèle toujours plus exigeante.
Bien évidemment, les objectifs visés seront propres à chaque station et dépendront pour une large part du contexte local, mais également de la stratégie de développement adoptée. D'où la nécessité d'avoir bien défini un objectif global pour la station, sachant que l'on ne peut pas tout attendre d'un système de production de neige de culture.
1.2. - OBJECTIFS ET ENJEUX
Doter une station d'une installation de production de neige constitue un investissement important, dont l'efficacité n'est pas systématiquement acquise ; pour qu'une telle installation puisse jouer pleinement son rôle et répondre à l'attente du maître d'ouvrage, il lui faudra adopter une démarche rigoureuse à tous les stades de la conception et de la mise en œuvre du projet.
Il convient donc d'apporter aux exploitants et aux décideurs, des éléments de réponses objectifs, à la fois économiques et qualitatifs.
1.2.1 - Objectifs économiques
L'opportunité d'une installation de production de neige ne se décide pas au vu des résultats d'une seule saison, mais sur une analyse objective et chiffrée des résultats sur les 10 dernières saisons qui peut être un élément déterminant pour conforter ou infléchir des premières impressions.
Ensuite on définira :
-
son dimensionnement optimal compte-tenu des contraintes de tous ordres (climatiques, techniques, financiers,...),
-
son coût d'investissement et son mode de financement,
-
son coût de fonctionnement selon le mode de gestion retenu pour répondre aux objectifs,
-
ses retombées économiques directes et indirectes et son impact commercial.
1.2.2 - Objectifs qualitatifs
-
l'installation de production de neige doit permettre de suppléer l'enneigement naturel déficitaire durant la saison,
-
d'entretenir le bas des pistes et les secteurs sensibles (passages très fréquentés, zone d'exposition défavorable, rupture de pente),
-
d'assurer la skiabilité de tout ou partie des pistes sur un période suffisante.
1.3. - LES CONTRAINTES
L'installation de production de neige de culture ne peut pas apparaître comme une panacée. Elle résulte d'une volonté et d'un choix raisonné de l'exploitant et n'est pas exempte de contraintes :
1.3.1 - Nécessité de conditions climatiques favorables
A cet effet, il est indispensable de connaître précisément la variabilité des conditions de température d'hygrométrie et d'aérologie sur le site à enneiger, à partir du mois de novembre et sur l'ensemble de la saison.
Cette analyse des enregistrements devra être réalisée sur le plus grand nombre d'années sinon seront faites des extrapolations sur des moyennes régionales.
Compte-tenu des caractéristiques des réseaux de mesures pouvant servir de référence, la méthode CANOVAL (valorisation des canons) mise au point par le C.N.R.S. permet de reconstituer de longues séries des potentialités thermiques d'un site.
Une simple observation sur un hiver n'a aucune signification statistique.
Cette analyse doit être complétée par une étude de l'enneigement naturel, à partir des données nivo-météorologiques s'il existe une station sur le site, ou à partir des observations faites par le personnel de la station, le cas échéant.
1.3.2 - Présence d'une ressource en eau disponible en quantité suffisante
Une installation de production de neige est grande consommatrice d'eau ; il est donc important de garantir un approvisionnement suffisant, sans concurrencer les besoins de la station.
Le raccordement au réseau d'eau potable ne doit être envisagé que lorsque les ressources sont largement excédentaires, que l'eau ne subit aucun traitement coûteux et qu'il est possible de bénéficier de conditions de facturation particulièrement avantageuses, d'autant plus qu'une eau trop pure et traitée est moins favorable à une production optimale.
On aura intérêt à alimenter l'enneigeur d'une eau la plus froide possible (inférieure à 3°C), et le cas échéant de s'équiper d'un système de réfrigération.
Une alimentation gravitaire est préférable à la mise en place d'une station de pompage, qui génère des coûts d'énergie et de maintenance non négligeables.
Il est parfois possible d'amener l'eau sous pression en utilisant la dénivellation entre la réserve et l'installation d'enneigement si celle-ci est suffisante.
Avant d'adopter une solution gravitaire ou de pompage une analyse comparative des coûts d'investissement et de fonctionnement est toutefois indispensable.
L'étude doit permettre de définir la solution la mieux adaptée, compte tenu du dimensionnement à terme de l'installation. Elle doit donc être conduite conjointement avec les autres études préalables.
1.3.3 - Contraintes environnementales
a - la végétation
En règle générale il y a peu d'effets au niveau de la couverture herbacée mais il faut tout de même prendre garde aux milieux spécifiques tels que les zones humides, ou aux espèces rares pour lesquelles les modifications du milieu, même minimes peuvent avoir un effet néfaste.
On a pu constater parfois une légère modification des caractéristiques de la végétation par l'apport d'eau de qualité différente de celle du sol, plus acide par exemple. Cependant, dans l'ensemble, la végétation apparaît peu affectée par ces aménagements.
On notera un décalage dans le temps de la croissance de la couverture herbacée du fait de la fonte plus tardive de la neige sur les pistes enneigées artificiellement, ce retard étant toutefois vite rattrapé.
b - le bruit
Sur les grenouillères en particulier, et pour les zones proches des habitations, il semble raisonnable d'envisager d'utiliser des canons dits "silencieux", de choisir au mieux l'orientation des canons car leur bruit est très directif, et quand cela est possible, de choisir les heures de fonctionnement en fonction de la proximité des logements.
c - la faune
Les impacts de ce type d'aménagement sur la faune sont d'autant plus limités que celle-ci est en général déjà sélectionnée par la présence de la station elle même. Les rares animaux restant à proximité de la station, ne sont pas plus dérangés par les canons à neige que par les remontées mécaniques.
d - l'eau
Le prélèvement d'eau en milieu naturel est soumis au respect d'un débit minimal. Dans ce cadre, les installations d'enneigement artificiel se trouvent en concurrence avec les autres usages de la ressource en eau que sont en particulier l'alimentation en eau potable et la production hydroélectrique.
Les autres risques associés aux quantités d'eau utilisées pour l'enneigement artificiel sont liés à la présence parfois d'une retenue (glissements de terrain, infiltrations, rupture de digue,...), ou encore, mais de façon très limitée, aux problèmes d'érosion sur certaines pistes sensibles ou mal préparées.
La présence d'hydrocarbures dans l'eau de fonte de la neige fabriquée s'explique surtout par le damage, puisque les pistes enneigées ou non artificiellement présentent des taux comparables.
En outre, on se méfiera de la possibilité de transfert de pollution quand l'eau utilisée provient d'un bassin versant exposé à des rejets polluants.
e - le paysage
L'approche paysagère des impacts sur l'environnement de l'enneigement artificiel est très subjective et très variable selon les sites.
La question se pose en général pour le bâtiment de l'usine à neige, pour les retenues collinaires, ou encore, quand les pistes enneigées par les canons apparaissent en blanc sur le fond vert des pelouses ou de la forêt.
1.3.4 - Capacité de financement d'un investissement relativement lourd
Si les recettes induites par l'I.E.A. sont de toute façon difficiles à estimer, il ne faut pas négliger pour autant une solide approche économique.
On évaluera précisément le montant de l'investissement sans oublier les frais annexes, tels que travaux de pistes et de reverdissement (penser aux imprévus car les conditions du marché peuvent évoluer).
On étudiera sérieusement les possibilités de montage financier : l'emprunt n'est pas la seule solution. En effet, à l'amortissement normal de l'investissement, se rajoutent des frais financiers élevés.
Si la capacité d'autofinancement est insuffisante pour couvrir une part significative de l'investissement, on peut rechercher des partenaires:
-
coopération entre les acteurs privés de la station et la commune ;
-
solliciter un appui éventuel des collectivités (Département, Région).
1.3.5 - Prise en compte des coûts globaux de fonctionnement
Il est essentiel de pouvoir mesurer l'efficacité d'une installation d’enneigement de culture, afin d'évaluer son impact et d'affiner son mode de gestion, et aussi pour décider d'éventuelles extensions.
Pour cela, il est souhaitable de prendre en compte les données suivantes :
-
montage des canons d’enneigeurs et protections,
-
interventions sur fuites éventuelles et sur superviseur,
-
frais de personnels au fonctionnement de l'installation,
-
frais de damage,
-
frais d'énergie (eau, électricité),
-
frais de maintenance,
-
assurance,
-
démontage des canons et entretien d'été.
Toutes ces données devront être analysées en fin d'exploitation et ce sur plusieurs saisons afin de pouvoir guider la stratégie de gestion de l'installation la saison suivante et les éventuels projets d'extension.